20 novembre
La prochaine génération

 

 

— Lâche-moi, boy-scout ! Je vous ai dit tout ce que je savais. Pourquoi me mettrais-je à vous cacher quoi que ce soit maintenant ?

Souriant, John a regardé Liv.

— Je ne porte que la culotte, ici. C’est elle qui porte la ceinture.

En effet, cette dernière pendait à la taille de Liv. Lena la lui avait donnée, dans la mesure où elle semblait servir de baby-sitter à John lorsque Macon n’était pas là. Ils ne le laissaient jamais seul. La nuit, Macon allait jusqu’à Sceller son bureau à l’aide de sortilèges de Dissimulation et de Confinement.

Cependant, si John ne mentait pas à propos de ses aptitudes, il lui aurait suffi d’effleurer Macon pour se doter de certains de ses pouvoirs. Alors, pourquoi ne le faisait-il pas ? Je commençais à penser qu’il n’avait pas envie de partir, ce qui était incompréhensible.

En même temps, tout l’était, depuis quelques semaines.

Suite à ma conversation avec la Lilum – Roue de Fortune, Reine des Démons, la Mme English qui n’était pas Mme English –, j’avais plus de questions que de réponses. Je n’avais pas la moindre idée sur la façon d’identifier l’Unique en valant deux, j’ignorais complètement le nombre de jours dont nous disposions. Il fallait que je découvre à quelle date aurait lieu la Dix-huitième Lune. Je n’arrivais pas à me débarrasser du pressentiment qu’elle concernait John Breed depuis que le John du County Care avait gribouillé son message.

Or ce John-ci semblait n’en avoir cure. Il paressait sur un lit pliant placé contre le mur, ne se réveillant que pour me chercher des noises. Lena n’en pouvait plus. Le charme de l’Incube ne fonctionnait plus sur elle.

— Abraham t’a forcément parlé de la Dix-huitième Lune !

John a haussé les épaules, l’air de s’ennuyer à cent sous de l’heure.

— C’est ton mec qui n’arrête pas de jacasser à ce sujet.

— Ah ouais ? ai-je réagi. Et si tu bougeais ton cul pour m’obliger à la fermer ?

Du calme, Ethan. Ne te laisse pas entamer par lui.

— Ethan, est intervenue Liv, il me semble que nous devrions rester un peu plus courtois. Pour ce que nous en savons, John est tout autant victime que nous de la terreur que fait régner Abraham.

Elle débordait de compassion. Beaucoup trop à mon goût.

— A-t-il mordu l’un de tes meilleurs amis, récemment ? ai-je rétorqué.

Elle a paru mal à l’aise.

— Alors, ai-je continué, garde tes leçons de morale.

John s’est levé du lit pliant.

— Inutile de prendre ce ton avec elle. C’est moi que tu détestes. Fiche la paix à Olivia. Elle se démène comme une malade pour t’aider.

J’ai observé l’intéressée. Rouge comme une pivoine, elle consultait les cadrans de son sélenomètre. Le magnétisme de John avait-il des effets sur elle ?

— Sans vouloir te vexer, boucle-la !

— Ethan ! m’a enguirlandé Lena en m’adressant sa propre version du Regard-Qui-Tue.

Bon sang ! Ça me tombait dessus de tous les côtés, maintenant !

— Tu veux que je parle ou que je me taise ? a dit John en rigolant. Décide-toi.

Je n’avais aucune envie de m’entretenir avec lui. Juste qu’il disparaisse.

— À quoi bon le garder ici, Liv ? ai-je contre-attaqué. Il ne nous a rien appris. Je te parie qu’il a utilisé son don d’absorption pour envoyer un message à Abraham et Sarafine, lesquels doivent être en route pour ici, à l’heure qu’il est.

Liv a croisé les bras d’un air réprobateur.

— John n’a aspiré les pouvoirs de personne, a-t-elle répondu. La plupart du temps, il est seul avec moi. Ou avec Macon et moi. (Derechef, elle a commencé à s’empourprer.) Lui brailler dessus ne te mènera nulle part. John a été torturé. Tu n’imagines pas comment Silas et Abraham l’ont traité durant son enfance. Rien de ce que tu pourras dire n’égalera ce qu’il a enduré.

— Voilà donc à quoi tu t’es amusé, ai-je raillé en me tournant vers l’Incube. Inventer des histoires lugubres afin qu’elle ait de la peine pour toi ? Franchement, mec, tu n’es vraiment qu’un sale con manipulateur.

— C’est drôle, a-t-il riposté en venant à moi, je songeais justement que tu n’étais qu’un sale con charmant.

— Ah ouais ?

J’ai serré les poings.

— Ça suffit ! s’est interposée Lena. Vous ne nous rendez pas service, là.

— Votre comportement n’est ni scientifique ni divertissant, a renchéri Liv.

John est retourné à son lit.

— Je ne pige pas pourquoi tout le monde est à ce point convaincu que j’ai quelque chose à voir dans ce pataquès ? a-t-il maugréé.

Je n’avais pas l’intention de mentionner les messages, d’un adolescent gravement blessé qui ne pouvait plus s’exprimer.

— Il s’agit de la Dix-huitième Lune, ai-je repris. Celle de Lena n’aura pas lieu avant février. Sauf si Sarafine et Abraham la convoquent en avance, comme la dernière fois.

Lena s’est tournée vers John qui a de nouveau haussé les épaules, révélant le tatouage noir sur son bras.

— Eh bien, s’est-il borné à commenter, il vous reste quelques mois. Mettez-vous à la tâche tout de suite.

— Je te répète qu’on m’a précisé que Lena n’était pas concernée. Nous ne disposons peut-être pas d’autant de temps.

Liv a brusquement pivoté sur ses pieds.

— Qui ça, « on » ? m’a-t-elle demandé.

Zut ! Je ne tenais pas à lui parler de la Lilum, surtout pas en présence de John. Lena n’était pas la seule fille à avoir deux facettes. Si Liv n’était plus Gardienne, elle s’entêtait à se comporter comme telle.

— Personne. Ce n’est pas important.

— Tu nous as expliqué qu’un type appelé John, au County Care, était au courant de la Dix-huitième Lune. Le jeune dont on fêtait l’anniversaire. Je pensais que c’était pour ça que tu tarabustais John.

— Le tarabuster ? Moi ?

Je n’en revenais pas de la vitesse avec laquelle il avait réussi à la retourner en sa faveur.

— C’est même du harcèlement ! a ricané l’Incube, fort satisfait.

Je l’ai ignoré, trop occupé à tenter de couvrir mes arrières.

— Il s’agissait bien d’un John, mais ce n’était pas son…

Je me suis interrompu.

John.

Lena m’a regardé.

L’anniversaire.

Nous venions de penser à la même chose.

Et si nous avions cherché du mauvais côté ?

— Quand est ton anniversaire, John ? me suis-je enquis.

Étendu sur sa couche, il lançait une balle au-dessus de ses bottes appuyées contre le mur.

— Pourquoi donc, Mortel ? Tu as l’intention d’organiser quelque chose ? Je te préviens, je ne raffole pas des gâteaux.

— Contente-toi de répondre, lui a intimé Lena.

La balle a rebondi contre la paroi.

— Le 22 décembre. D’après Abraham, du moins. Sûrement une date qu’il a choisie au hasard, puisqu’il m’a trouvé. Ce n’est pas comme si un mot précisant le jour de ma naissance avait été épingle à mes langes.

Nom d’un chien ! Il n’était pas bête à ce point, quand même ?

— Abraham te paraît-il être le genre de mec à se soucier que tu aies ou non un anniversaire ?

La balle a cessé son va-et-vient.

Liv feuilletait un almanach. Je l’ai entendue retenir son souffle.

— Oh, mon Dieu ! a-t-elle chuchoté.

Se relevant, John l’a rejointe près de la table.

— Quoi ?

— Le 22 décembre est le solstice d’hiver. La nuit la plus longue de l’année.

L’Incube s’est laissé tomber sur un siège voisin. Il se efforcé d’afficher une moue ennuyée, son expression préférée, mais il était évident que sa curiosité avait été éveillée.

— Et alors ? a-t-il ronchonné. Qu’est-ce que ça change ?

— Les Celtes révéraient le solstice d’hiver comme le jour le plus sacré du calendrier. Ils croyaient que la Roue de l’Année s’arrêtait de tourner durant un petit moment à cette époque. Invitant à la purification, à la renaissance…

Je ne l’écoutais plus, tout à coup, perdu dans mes pensées.

La Roue de l’Année.

La Roue de Fortune.

Purification et renaissance.

Un sacrifice.

Était-ce le message que la Lilum avait tenté de me transmettre chez Mme English ?

Lors de la Dix-huitième Lune, la nuit du solstice d’hiver, un sacrifice devrait être accompli afin de provoquer l’Ordre Nouveau.

— Ethan ? m’a lancé Lena, perplexe. Tout va bien ?

— Non, ai-je murmuré avant de m’adresser à John : pour peu que tu dises vrai et que tu n’attendes pas que Sarafine et Abraham viennent à ta rescousse, il va falloir que tu me racontes tout ce que tu peux au sujet de ce dernier.

Il s’est penché vers moi au-dessus de la table.

— Si tu crois que je ne suis pas en mesure de m’enfuir d’un petit bureau dans les Tunnels, c’est que tu es encore plus idiot que tu en as l’air. Tu n’imagines même pas ce dont je suis capable. Je reste ici, parce que… je n’ai nulle part où aller.

Il mentait peut-être. Mais les signes – la chanson, les messages, tante Prue et la Lilum – indiquaient qu’il était au cœur du problème.

— Sors ton calepin rouge, a-t-il ordonné à Liv en lui passant un crayon, et je vous dirai tout ce que vous voulez savoir.

Après avoir écouté John nous raconter son enfance sous la férule de Silas Ravenwood – lequel ressemblait à un sergent instructeur ayant passé la majeure partie de son temps à le frapper et à le forcer à mémoriser la doctrine anti-Enchanteurs d’Abraham –, même moi j’ai commencé à éprouver de la sympathie pour lui. Certes, je me serais pendu plutôt que de l’admettre. Liv n’avait pas loupé un mot.

— Pour résumer, en gros, Silas déteste les Enchanteurs, a-t-elle commenté. Intéressant, vu qu’il a épousé deux de leurs représentants. Et qu’il en a élevé un.

John a éclaté d’un rire dont l’amertume était évidente.

— Je n’aimerais pas être présent s’il t’entendait me traiter d’Enchanteur. Lui et Abraham ne m’ont jamais considéré comme tel. D’après Abraham, j’incarne « la prochaine génération ». Je suis plus fort, plus rapide, insensible aux effets de la lumière du jour, et tout le toutim. Pour un Démon, Abraham est drôlement apocalyptique. Il est convaincu de la fin du monde, même s’il doit la déclencher pour qu’elle ait lieu. Il pense que la race inférieure sera enfin balayée de la surface du monde.

Je me suis frotté le visage, accablé par ce que j’apprenais.

— J’imagine qu’il s’agit de nous autres, pauvres Mortels.

John m’a jeté un coup d’œil curieux.

— Les Mortels ne sont pas la race inférieure, m’a-t-il corrigé. Vous êtes juste au bas de la chaîne alimentaire. Non, par là, il mentionne les Enchanteurs.

Liv s’est planté son crayon derrière l’oreille.

— Je n’avais pas pris la mesure de sa haine envers les représentants de la Lumière, a-t-elle marmonné.

— Non, a objecté l’Incube. Tu ne piges pas. Il ne s’agit pas d’eux. Abraham veut se débarrasser de tous les Enchanteurs.

Lena a relevé la tête avec surprise.

— Mais Sarafine… a bredouillé Liv.

— Il s’en fiche, l’a coupée John d’une voix grave. Il ne lui confie que ce qu’elle a envie d’entendre. Abraham Ravenwood n’a d’égards pour aucune créature.

 

Il y avait eu nombre de nuits où je n’avais pas réussi à dormir ; ce soir-là, je n’en avais pas envie. Je voulais oublier Abraham Ravenwood et ses complots pour détruire le monde, oublier la promesse de la Lilum selon laquelle le monde allait se détruire tout seul. À moins, bien sûr, que quelqu’un souhaite se sacrifier. Quelqu’un que je devais identifier.

Si je m’assoupissais, ces réflexions allaient s’emmêler et se transformer en rivières de sang aussi réelles que la boue dans mes draps avant ma première rencontre avec Lena.

Je cherchais une place où me cacher de tout cela, où les cauchemars, les rivières et la réalité ne me dénicheraient pas. Ce genre de refuges, je les avais toujours trouvés dans des livres.

Or j’avais l’ouvrage idéal pour ça. Pas sous mon lit, dans l’une des boîtes à chaussures empilées le long des murs de ma chambre. Ces boîtes renfermaient tout ce qui m’était précieux, j’en connaissais le contenu par cœur.

Du moins, je le croyais.

L’espace d’une seconde, j’ai été paralysé. J’ai balayé des yeux les emballages en carton aux couleurs vives, traquant le plan mental qui me conduirait au bon. Sans résultat cependant. Mes mains ont commencé à trembler. La droite, celle avec laquelle j’avais écrit toute ma vie, et la gauche, celle dont je me servais désormais.

Je ne savais plus où était la bonne boîte.

Quelque chose déraillait en moi, qui n’avait rien à voir avec les Enchanteurs, les Gardiennes ou l’Ordre des Choses. Je changeais, je perdais des pans de moi un peu plus chaque jour, et j’ignorais complètement pourquoi.

Lucille a sauté du lit lorsque j’ai entrepris d’ouvrir les cartons, jetant leur couvercle par terre, ainsi que leur contenu, de ma collection de capsules et de cartes de basketteurs aux photos fanées de ma mère. Je ne me suis irrité qu’en dégotant une boîte noire Adidas. Soulevant le couvercle, j’ai enfin mis la main sur mon exemplaire du livre de John Steinbeck, Des souris et des hommes.

Ce n’était pas une histoire heureuse comme celle dans laquelle se réfugierait une personne désireuse de fuir ce qui la hantait. Mais je l’avais élue pour une excellente raison : il y était question de sacrifice, de soi ou d’autrui, afin de sauver sa peau – la question était sujette à débat.

J’imaginais réussir à le trancher cette nuit-là en feuilletant le roman.

Il était trop tard quand je me suis rendu compte que quelqu’un d’autre s’était lancé dans une quête de réponses à ses Interrogations à l’aide d’un bouquin.

Lena !

Elle aussi tournait des pages…

 

À l’âge de dix-neuf ans, Sarafine mit au monde une ravissante fillette. Ce fut une surprise. Bien que Sarafine contemplât durant des heures le visage délicat de son bébé, elle accueillit son arrivée avec des sentiments partagés. Elle n’avait pas désiré d’enfant. Elle rechignait à ce que sa fille vécût l’existence incertaine qu’impliquait la lignée Duchannes.

Elle refusait qu’elle eût à lutter contre les Ténèbres qui rôdaient en elle, comme Sarafine elle-même était bien placée pour le savoir. En attendant que l’enfant reçût son vrai prénom à seize ans, elle l’avait baptisée Lena, parce que cela signifiait « l’étincelante », dans le vain espoir d’écarter la malédiction. John en avait ri. Pour lui, seuls les Mortels auraient agi ainsi, plaçant leurs espérances dans un nom.

Mais il fallait bien que Sarafine mît ses espoirs dans quelque chose.

Lena ne fut pas la seule personne à surgir de façon inattendue dans sa vie.

Sarafine se promenait lorsqu’elle revit Abraham Ravenwood, au même carrefour que celui où elle l’avait rencontré pour la première fois, presque un an auparavant. Il paraissait la guetter, comme s’il avait su qu’elle viendrait. Comme s’il avait réussi à distinguer la guerre qui se déroulait sur le champ de bataille de son esprit. Une guerre dont elle ignorait si elle était en train de la gagner.

Il la salua de la main, à croire qu’ils étaient de vieux amis.

— Tu sembles troublée, mademoiselle Duchannes. Quelque chose te tracasse ? Puis-je t’aider de quelque manière ?

Avec sa barbe blanche et sa canne, il évoquait à Sarafine son grand-père. Sa famille lui manquait, quand bien même ses membres l’avaient bannie.

— Je ne crois pas, non.

— Tu continues à te battre contre ta vraie nature ? Les voix ont-elles forci ?

Oui. Mais comment était-il au courant ? Les Incubes ne viraient pas aux Ténèbres ; ils naissaient Ténèbres.

— As-tu déclenché des incendies de façon accidentelle ? insista-t-il. On appelle ça l’Éveil du Feu.

Elle se figea sur place. À plusieurs reprises, elle avait en effet allumé des brasiers par inadvertance. Lorsqu’elle était particulièrement émue, ses sentiments donnaient l’impression de se manifester par des flammes. Seules deux pensées la consumaient à présent : le feu et Lena.

— J’ignorais que ça portait un nom, murmura-t-elle.

— Il y a bien des choses, que tu ignores. J’aimerais que tu m’accompagnes à mon bureau. Je pourrais t’apprendre tout ce qu’il est nécessaire que tu saches.

Sarafine détourna les yeux. Cet homme était Ténèbres. C’était un Démon. Ses prunelles noires trahissaient tout ce qu’elle avait besoin de savoir. Elle ne pouvait pas avoir confiance en Abraham Ravenwood.

— Tu as une enfant, maintenant, n’est-ce pas ? (Moins une question qu’une constatation.) Souhaites-tu qu’elle s’aventure dans le monde liée par une malédiction qui date d’avant ta propre naissance ? Ne préférerais-tu pas qu’elle s’Appelle elle-même ?

 

Sarafine n’avoua pas à John qu’elle rejoignait Abraham Ravenwood dans les Tunnels. Il n’aurait pas compris. Pour lui, le monde était noir ou blanc, Lumière ou Ténèbres. Il n’avait pas conscience que les deux univers pouvaient coexister à travers une même personne, comme c’était le propre cas de Sarafine. Bien qu’elle détestât mentir, elle agissait ainsi pour Lena.

Abraham lui montra quelque chose que personne dans sa famille n’avait jamais mentionné. Une prophétie en rapport avec la malédiction. Une prophétie susceptible d’épargner Lena.

— Je suis sûr que les Enchanteurs de ta famille ne t’ont pas parlé de cela.

Il brandissait une feuille fanée et lisait les mots qui promettaient de tout changer.

— « Le Premier sera Noirceur / Le Second pourra choisir. »

Sarafine retint son souffle.

— Saisis-tu ce que cela implique ? enchaîna Abraham. (Lui-même ne doutait pas de l’importance que ces paroles revêtaient pour elle, et qu’elle s’y accrochait comme si elles étaient partie intégrante de la prophétie.) La première Élue de la lignée Duchannes sera Ténèbres, se transformera en Cataclyste. (Sarafine, donc.) Mais la seconde aura le choix. Elle s’Appellera elle-même.

La jeune femme trouva le courage de poser la question qui la rongeait :

— Pourquoi m’aidez-vous ?

Il sourit.

— J’ai moi-même un garçon, à peine plus âgé que Lena. C’est ton père qui l’élève. Ses parents l’ont abandonné parce qu’il était doué de talents très particuliers. Lui aussi a un destin.

— Je ne veux pas que ma fille devienne Ténèbres.

— J’ai l’impression que tu ne comprends pas vraiment ce que cela signifie. Ton cerveau a été contaminé par les Enchanteurs de la Lumière. La Lumière et les Ténèbres sont les deux faces d’une même pièce de monnaie.

Une partie de Sarafine se demandait s’il avait raison. Elle priait pour que ce fût le cas.

 

Abraham lui apprit également à dominer ses pulsions et les voix. Il n’y avait qu’une façon de les exorciser. Sarafine déclenchait des incendies, brûlait d’immenses champs de maïs et des étendues de forêts. Libérer ses pouvoirs était un soulagement. Et personne n’était blessé.

Malheureusement, les voix continuaient de la harceler, chuchotant à son oreille un identique mot, encore et encore.

« Brûle ! »

Lorsqu’elles se taisaient, c’était Abraham qui prenait le relais, des pans de leurs conversations se rejouant sans cesse dans sa tête. « Les Enchanteurs de la Lumière sont pires que les Mortels. Ils transpirent la jalousie car leurs dons sont inférieurs. Ils veulent souiller notre sang de celui des Mortels. Mais l’Ordre des Choses ne le permettra pas. » Tard dans la nuit, ces paroles prenaient un sens. « Les Enchanteurs de la Lumière rejettent le Feu Ténébreux, source de toute puissance. » Parfois, elle s’efforçait d’aller au-delà des couches superficielles de son cerveau. « S’ils étaient assez forts, ils n’hésiteraient pas à nous éliminer tous. »

 

Allongé sur le sol encombré de ma chambre, j’en fixais le plafond bleu. Assise sur ma poitrine, Lucille se léchait les pattes.

La voix de Lena s’est frayé un chemin dans ma tête, si ténue que j’ai failli ne pas la percevoir.

Elle l’a fait pour moi. Elle m’aimait.

Que répondre ? Si c’était vrai, ce n’était pas aussi simple. À chaque vision, Sarafine s’enfonçait de plus en plus dans l’obscurité.

Je sais bien qu’elle t’aimait, L. Je crois aussi qu’elle n’était pas capable de lutter contre ce qui lui arrivait.

Je n’en revenais pas de défendre la femme qui avait éliminé ma mère. Toutefois, Izabel n’était pas Sarafine. Pas tout de suite, du moins. Sarafine avait tué Izabel, comme elle avait tué ma mère.

Ce qui lui arrivait, c’était Abraham.

Lena avait besoin de rejeter le blâme sur quelqu’un ? Comme nous tous.

J’ai entendu des pages qui tournaient.

Pose ce bouquin, Lena !

Ne te bile pas. Il ne déclenche pas systématiquement de visions.

J’ai repensé à l’Orbe Lumineux, à la façon dont il m’avait extirpé de ce monde pour un autre. Je n’avais pas envie de songer à ce que venait de dire Lena. Combien de fois avait-elle ouvert le livre préféré de Sarafine ? Je ne m’étais pas encore résolu à lui poser la question quand elle s’est de nouveau adressée à moi.

Voici ma phrase favorite. Elle l’a recopiée à de multiples reprises au verso de la couverture. « La souffrance a été plus forte que toutes les autres leçons, et m’a appris à comprendre ce qu’était votre cœur. »

Tome 3 - 18 Lunes
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